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Le Sénat plaide pour décaler le calendrier des ZFE

Philippe Pottiée-Sperry
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Le Sénat plaide pour décaler le calendrier des ZFE

Le rapport sénatorial sur l’acceptabilité des ZFE pointe leurs difficultés de mise en œuvre. Parmi ses recommandations figure un décalage du calendrier « au plus tard » en 2030. Après la remise du rapport de la mission de concertation, Christophe Béchu doit rendre ses arbitrages mi-juillet sur ce sujet très sensible.

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Partout où elles sont créées, les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) se heurtent à des crispations et de fortes incompréhensions. Cela tant de la part des collectivités chargées de les mettre en place que des usagers, particuliers comme professionnels, dont les mobilités deviendront un casse-tête quotidien du fait des restrictions de circulation. 
Les conclusions de la mission flash du Sénat sur l’acceptabilité des ZFE, présentées le 14 juin, sont d’autant plus fortes qu’elles s’appuient sur les résultats d’une consultation en ligne lancée en avril dernier ayant recueilli plus de 51 000 témoignages, un score inédit pour ce genre d’exercice. Son rapporteur, Philippe Tabarot, sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, rappelle notamment que pas moins de 86% des particuliers et 79% des professionnels sont opposés à la mise en place des ZFE. Seulement 8% des habitants de communes rurales y sont favorables. 

De nombreux écueils  
Autre constat des déplacements la mission, les remontées de terrain montrent de nombreux écueils : accompagnement insuffisant de la part de l’État, caractère financièrement inaccessible de l’offre de véhicules propres lorsqu’elle est disponible, offre de transports alternatifs à la voiture trop faible... « En l’état actuel des choses, la mise en œuvre des ZFE-m risque fort de laisser sur le bord de la route de nombreux usagers, à commencer par les plus fragiles et les plus éloignés des cœurs de ville », mettent en garde les sénateurs. 
Philippe Tabarot rappelle néanmoins que ce dispositif vise en premier lieu à la lutte contre la pollution de l’air sachant qu’elle contribue à réduire l’espérance de vie. Chaque année, plus de 40 000 décès en France lui sont imputables. 

Améliorer l’information sanitaire
Depuis le début des années 2000, si la qualité de l’air s’est nettement améliorée, de nombreuses agglomérations continuent de connaître des dépassements récurrents des seuils réglementaires de pollution atmosphérique. Pour rappel, la France a été condamnée plusieurs fois sur le sujet par le Conseil d’État et la Cour de justice de l’Union européenne. « Notre première recommandation serait donc d’améliorer l’information sanitaire des citoyens, avec des campagnes nationales et locales, ce qui contribuerait à faire progresser l’acceptabilité des ZFE », souligne le rapporteur de la mission. 
Au-delà, les sénateurs formulent une dizaine de recommandations, articulées autour d’un seul objectif : concilier un déploiement apaisé du dispositif ZFE-m avec la nécessaire amélioration de la qualité de l’air dans le pays.

Les limites du dispositif
Si les sénateurs jugent « pertinent » l’outil ZFE-m pour réduire la pollution atmosphérique, ils lui voient aussi plusieurs limites : le transport routier cause plus de la moitié des émissions de Nox, la classification Crit’air des véhicules ne prend pas en compte toutes les émissions de particules, l’exposition aux particules fines provient majoritairement d’autres secteurs (logement, industrie et agriculture), la part relative des sources d’émissions polluantes varie beaucoup d’un territoire à l’autre… 
Autant de motifs qui les font plaider pour « une approche globale et territorialisée des politiques d’amélioration de la qualité de l’air ».

« Une mise en œuvre en ordre dispersé »
Autre constat : « des régimes pluriels et une mise en œuvre en ordre dispersé ». La diversité dans la mise en œuvre des ZFE-m complexifie les déplacements d’une ZFE-m à l’autre pour les usagers. Une situation qui ne devrait pas s’améliorer compte tenu de l’obligation de création de ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, prévue le1er janvier 2015. À terme, le nombre de ZFE-m pourrait presque quadrupler, pour atteindre 43 ZFE-m. Certaines régions devraient ainsi compter 6 ZFE-m d’ici 2025. 
Conséquence : le manque de lisibilité du dispositif et des déplacements quotidiens difficilement supportables pour de nombreux particuliers ou professionnels. Les sénateurs recommandent ainsi d’anticiper le déploiement à plus grande échelle du dispositif afin de garantir un déploiement concerté des ZFE-m, par le biais de conférences régionales qui coordonneraient leurs modalités de mise en œuvre.

« Accompagnement défaillant de l’État »
Sévères, les sénateurs pointent « un accompagnement défaillant de l’État dans la mise en œuvre et le contrôle des ZFE-m ». Leurs propositions : renforcer et mieux cibler le bonus écologique et la prime à la conversion au profit des ménages modestes et de ceux résidant en dehors de la ZFE-m ; faciliter l’accès à des véhicules propres moins onéreux ; favoriser le réemploi de véhicules encore fonctionnels ; créer un guichet unique (aides nationales et locales pour l’achat de véhicules propre) dans chaque région…
Les sénateurs défendent également la création d’un « choc d’offre de transports alternatifs à l’autosolisme » (services express régionaux métropolitains, services de car express, pôles d’échanges multimodaux…). Autre recommandation : assouplir le régime de sanctions pour améliorer l’acceptabilité en s’inspirant de certains modèles européens.
Critiques sur le classement Crit’air, ils proposent d’individualiser le système de vignettes en créant une vignette « Éco-entretien » pour les véhicules respectant des seuils d’émissions polluantes dans le cadre du contrôle technique. En clair, les véhicules les mieux entretenus. Ceux-ci pourraient accéder aux ZFE-m de manière dérogatoire. 

Assouplir le calendrier des restrictions
La proposition de la mission flash la plus commentée concerne l’assouplissement du calendrier de restrictions de circulation s’appliquant aux ZFE-m obligatoires. Motif invoqué : « le rendre plus réaliste ». Il s’agirait de renforcer la progressivité des interdictions de circulation dans les ZFE-m de première génération (11 métropoles) en repoussant au plus tard à 2030 l’entrée en vigueur des restrictions prévues par la loi « Climat » pour les véhicules classés Crit’air 3. Le Sénat propose aussi de fixer au 1er janvier 2030 la date butoir de création d’une ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, et en leur laissant la possibilité de recourir à des solutions alternatives plus efficaces et plus rapides. Enfin, dans l’ensemble des ZFE-m rendues obligatoires, ils demandent que ls véhicules lourds classés Crit’air 2 puissent continuer à circuler jusqu’en 2030. 

Arbitrages du gouvernement mi-juillet
Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, doit recevoir les sénateurs et leur rapport fin juin. Cela sera ensuite le tour des propositions du comité de concertation, mis en place par le ministre en janvier dernier, et coordonné par Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de la métropole de Toulouse et Anne-Marie Jean, vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg, qui doivent lui être remises le 10 juillet. Christophe Béchu promet ensuite des arbitrages rapides, qui devraient être rendus mi-juillet. 
Sur la demande de report du calendrier des ZFE, le ministre ne semble pas très chaud aujourd’hui. « On a parfois tendance à faire comme si c'était pour emmerder les gens alors que c'est fait pour éviter les deux ans de perte moyenne d'espérance de vie de chaque Français due à la pollution atmosphérique », a-t-il ainsi déclaré, le 19 juin, au micro de France Info.

Philippe Pottiée-Sperry
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