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« A la différence du secteur privé, la fonction publique manque d’outils pour faciliter l’accès au logement de ses agents »

Danièle Licata
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Philippe Laurent, maire de Sceaux, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT)

Alors que le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini et le ministre du logement Guillaume Kasbarian ont présidé le troisième Comité Interministériel au logement des agents publics (CILAP) le 17 avril dernier dans l’objectif de faciliter l’accès au logement des agents, Philippe Laurent, Président du conseil supérieur de la Fonction publique Territoriale (CSFPT) et maire de Sceaux, salue la démarche mais déplore le manque d’outils pour accompagner les agents dans leur démarches locatives et d’accession à la propriété, qui existent pourtant dans le secteur privé. Rencontre.  

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Zepros territorial : Dans cette guerre des talents quels sont alors les leviers RH pour garder les agents et en attirer d’autres ?

Philippe Laurent : Il faut augmenter la rémunération des agents territoriaux. Il n’est pas normal que la moitié d’entre eux gagne moins de 1,5 fois le SMIC. Certes, la mise en place d’un régime indemnitaire (RIFSEEP) est un moyen de valoriser le travail des agents mais le système de primes a ses limites. Car comme vous savez, elles ne sont pas soumises à cotisations sociales donc elles ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraites. L’accord signé le 12 juillet dernier entre la Coordination des employeurs territoriaux (CET) et les organisations syndicales sur la protection sociale complémentaire des agents, va également dans le bon sens. Mais il ne faut pas oublier que dans cette crise d’attractivité, la difficulté des agents publics à trouver un logement joue aussi un rôle central. Car si la question de la rémunération des agents publics est l’une des causes essentielles du manque d’attractivité de la fonction publique, ce constat est à croiser également avec la hausse continue des coûts du logement qui pèse lourdement à la fois sur le niveau de vie et sur la capacité d’accès au logement. Dans de nombreux territoires, la hausse continue des prix et la pénurie de logements constituent en effet des obstacles indépassables au recrutement d’agents publics, notamment dans les métropoles et zones urbanisées à forte attractivité. Or, la fonction publique souffre d’outils en matière d’accès au logement des agents si l’on compare la situation à celle du secteur privé, qui a structuré des solutions, notamment avec  Action logement. Pour y répondre, on pourrait imaginer mettre en place une cotisation sur la masse salariale qui alimenterait un fonds dédié aux parcs logements des agents territoriaux. Nous avons évoqué l’idée avec le ministre, Stanislas Guerini avant le remaniement. Elle est à l’ordre du jour. 

ZT : Est-ce que, finalement, la réponse au défi de l’attractivité ne serait pas dans le mode de recrutement ? Ne devrait-on pas favoriser plus les compétences que les connaissances ?

PL : Effectivement, aujourd'hui le système de recrutement est basé plus sur les connaissances que sur les métiers. Or, cela pose un problème pour ceux qui ont un diplôme métier d’infirmier ou de jardinier par exemple. Car pour intégrer la collectivité territoriale, ils devront se plier aux concourt, ce qui décourage souvent les candidats. Autre sujet à faire évoluer : le contenu des concours comme l’épreuve sportive qui ne se justifie pas dans bon nombre de métiers.
 

ZT : Alors que la concertation multilatérale autour du projet de loi sur la réforme de la fonction publique annoncée à l’automne est lancée, avec une ambition « rendre la fonction publique plus attractive », les employeurs territoriaux ont fait part au ministre de leurs attentes et notamment leur attachement au statut de la fonction publique territoriale : pensez-vous que celui-ci statut soit menacé ?

PL : Le statut repose essentiellement sur la garantie d'un emploi à vie. Or, force est de constater que ce principe est largement remis en question par l'augmentation des emplois contractuels qui représentent désormais une proportion significative des recrutements. De plus, ce rêve qui a motivé plusieurs générations n'attire plus les jeunes diplômés. La rémunération, moins compétitive qu'auparavant et moins attractive que dans le secteur privé à laquelle s’ajoutent des perspectives de carrière limitées expliquent largement ce déficit d’attractivité. Seulement 11% des jeunes diplômés travaillaient dans ce secteur en 2020. Et selon une étude de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, plus de la moitié des d’entre eux n'envisagent pas de travailler dans ce secteur au cours de leur carrière. Du coup, le nombre de candidatures au concours ne cesse de dégringoler. Reste que le défi de l’attractivité doit pourtant être relevé car l’enjeu est d’assurer aux Français des services publics de proximité et de qualité. Ce constat prouve qu’il est nécessaire de mener une réflexion approfondie sur l'avenir du statut de la fonction publique territoriale.
 

Danièle Licata
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